Enfants, citoyen(ne)s et entrepreneur(e)s de demain

Un consortuim pour réduire le décrochage scolaire en Tunisie

Enda inter-arabe est fière d’accueillir l’UNICEF parmi ses partenaires, à travers le projet « Enfants, citoyen(ne)s et entrepreneur(e)s de demain (ECED) ». Ce projet intervient en alignement avec le quatrième Objectif de Développement Durable « garantir l’accès à une éducation sociale et financière de qualité, inclusive, et centrée sur l’enfant pour tous les enfants et les jeunes, en particulier les plus vulnérables » et le projet « Modèle à 4 Dispositifs (M4D) » initié par l’UNICEF. Il ECED intervient dès décembre 2019, et jusqu’à novembre 2020, dans les écoles primaires des gouvernorats de Bizerte et de Kasserine, et vise la réduction du décrochage scolaire et la réintégration des décrocheurs par la promotion d’une école inclusive et accueillante, la mise en place de mécanismes d’écoute, de dialogue et d’acquisition des compétences de vie.

En effet, le phénomène de décrochage scolaire en Tunisie constitue un enjeu important et majeur, provoquant un déséquilibre de la cohésion et de l’équité sociale. Il s’est brusquement amplifié dans la Tunisie d’après la révolution. Plus de 100 000 élèves de primaire et secondaire ont quitté l’école avant d’avoir terminé un cycle pour la seule année 2012-2013, selon le ministère de l’éducation. Cette tendance ne s’est pas depuis inversée et touche parfois même des élèves à priori sans problèmes majeurs d’insertion scolaire.

Ces cohortes de décrocheurs qui s’accumulent et s’amplifient d’années en années représentent un vivier pour la délinquance, la toxicomanie, le travail au noir et la contrebande, l’immigration clandestine, la colère de masse qui emporte tout sur son passage et pire encore le fanatisme religieux qui recrute là des proies faciles et malléables à merci pour servir des agendas terroristes.

Cependant, l’absence de statistiques officielles rend la reconnaissance du décrochage scolaire et la création de politiques publiques en la matière assez difficiles. D’autant plus que dans un souci d’efficacité, ces politiques devraient adaptées aux contextes locaux prenant en compte les spécificités des régions et des populations locales. En fait, ces dernières années, bien que massif, le phénomène de décrochage est accompagné par des disparités entre régions et entre communal et non-communal de plus en plus persistantes et intenses. En effet, le taux décrochage dépasse les 40% dans les régions d’intérieur, voire avoisine les 60% dans les centre-ouest. D’un autre côté, les politiques devraient aussi être pensées dans une approche sexo-spécifique. En effet, les écarts entre filles et garçons se creusent davantage.

Le bulletin de l’éducation national issu en mars 2017 est plutôt alarmant en matière de taux d’alphabétisation et de disparités entre régions (de 10,3% à Ben Arous à 35% à Kairouan), entre milieux (32,6% en milieu non-communal contre 13% en milieu communal) et entre sexes (25.6% pour les femmes vs. 12.8% pour les hommes).

Ceci dit, au même moment, l’investissement dans l’éducation a grandement diminué depuis 2011, revenant à des budgets plus proches des années 1990. Il est en plus alourdi par des textes de lois contraignants et rigides, particulièrement en matière d’appels d’offres, qui ne font qu’aggraver les disparités observées.

Selon des études récentes, plusieurs facteurs favorisent la recrudescence de la déscolarisation, dont :

  •  Des facteurs structurels :

  • La pauvreté et les inégalités sociales ;
  • La sous-alimentation, notamment dans les zones rurales ou les banlieues défavorisées ;
  • Le mauvais état des routes et des moyens de transport ;
  • Le mauvais état des infrastructures des établissements scolaires (tout particulièrement des toilettes) ;
  • La précarité matérielle et psychologique des familles empêchant et limitant le contrôle et l’encadrement des enfants.
  • Des facteurs pédagogiques :

  • Les troubles d’apprentissage (dyslexie et TADH) inconnus et/ou mal gérés par les enseignants ;
  • La langue, support et véhicule principal de l’apprentissage, négligée et très mal entretenue par les méthodologies d’apprentissage actuelles ;
  • Des programmes et des méthodes d’apprentissage axés plutôt sur le savoir que la méthodologie et l’analyse ;
  • Des programmes scolaires inadaptés aux centres d’intérêt des élèves, à leur niveau réel, aux moyens mis à la disposition des enseignants et aux horaires impartis ;
  • Les dysfonctionnements caractérisant certaines institutions scolaires (absentéisme des enseignants, nonchalance des surveillants et du personnel administratif) ;
  • L’absence de structures d’écoute et de soutien dans la plupart des établissements scolaires ;
  • L’absence d’activités culturelles et de loisirs ;
  • Le manque de formation des enseignants débutants, lesquels sont, dans la plupart des cas, affectés dans les zones reculées du pays.
  • Des facteurs culturels liés à l’environnement :

  • L’environnement immédiat de certains établissements (attroupements d’élèves indisciplinés devant les établissements scolaires, racket, vente de produits illicites, etc.) ;
  • L’insécurité jumelée à un éloignement et à un accès pénibles à certaines écoles ;
  • Les difficultés d’ordre familial et social, particulièrement pour les filles vivant en milieu rural ;
  • La remise en question l’enseignement lui-même, de l’encadrement et des programmes ;
  • Le désintéressement et le manque de projection pour les enfants (la réussite à l’école ne garantissant plus la réussite sociale).

Dans cette perspective, le projet ECED intervient simultanément au niveau des trois dimensions énumérées, grâce à un consortium de partenaires internationaux (UNICEF et Aflatoun International), nationaux (Ministère de l’Education Nationale) et locaux (public, privé, société civile), ainsi que les populations locales. Il vise à :

  • faire de l’école un lieu agréable et propice à l’apprentissage et l’épanouissement,
  • permettre à toutes et à tous l’accès à une éducation inclusive et de qualité, ainsi que l’acquisition des compétences essentielles de vie, et
  • instaurer des mécanismes de transfert d’apprentissage et de transfert de savoirs afin d’assurer la pérennité et la durabilité des interventions.

Afin d’atteindre ces objectifs, il propose

  1. la remise en état de fonctionnement des blocs sanitaires et des cantines,
  2. le déploiement du programme Aflatoun,
  3. l’accompagnement d’initiatives gérées par les enfants dans le cadre des clubs Aflatoun (jardin en permaculture, facilitation culturelle, etc.),
  4. la conscientisation des communautés locales en prônant la culture en tant que levier d’accès aux droits, et le plaidoyer en vue de préparer la mise à échelle au niveau national du programme Aflatoun.
Share Button